CASS-TETE yaoi
Quelque part, dans un quartier résidentiel d’une grande ville. Dans un beau bâtiment, des hommes et des femmes, les yeux rivés sur des écrans vivent au rythme des annonces de scores. De la pièce voisine, on peut entendre ce baromètre humain mais les deux hommes, qui se sont isolés de la foule pour pouvoir parler, n’y prêtent pas vraiment attention.
-Tu pensais à quoi pour aller dans ce genre d’endroit ?...
Il me met sous le nez son Smartphone et fait défiler une série de photos. Je relève la tête car je sais exactement ce que j’ai fait.
-C’est bien toi qui m’a dit qu’il fallait convaincre l’électorat homosexuel, c’est ce que je me suis appliqué à faire. Tu devrais être content.
-Ne joue pas avec moi. Tu sais très bien que je ne parlais pas de ça. Comment veux-tu être crédible en allant de saouler dans des bars de strip-tease, et en te trémoussant avec des hommes dévêtus.
Je souris.
-Tu peux dire, n’ayons pas peur des mots, en me frottant contre des mecs à poil. C’est plus près de la vérité et …de mon électorat. Je me mêle aux gens. Toutes catégories confondues.
Je fais mine de revoir la photo sur son écran et je rajoute, moqueur.
-Je crois bien que c’est un trans, là. Je pointe du doigt une silhouette. On aura gagné une nouvelle couche de la population avec cette soirée.
-Tu devrais être plus sérieux.
-Toi aussi. Tu sais très bien que j’étais dans un bar huppé de la ville. Qu’il s’agissait d’une soirée privée donnée pour l’anniversaire d’un notable et que les hommes et les femmes, car il y en avait, étaient là pour animer la fête. Tu sais aussi qu’il y avait un service de sécurité. Que les invités étaient triés sur le volet. Mais tu sais déjà tout ça, n’est-ce pas.
Je lui adresse un sourire moqueur.
-Maintenant, la question est de savoir, pourquoi tu me fais ce petit manège ?
Sa voix n’est qu’un murmure où transperce une pointe d’irritation.
-Pour te montrer comment on étouffe une carrière naissante avec une simple photo. Oui, il y avait bien un service de sécurité, mais il se trouve qu’une bande de petits scélérats avaient truffés les pièces de caméras. Pas besoin de te faire un dessin. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre ce genre de chose. Les sondages te donnent en bonne position et il y a des chances pour que tu sois au deuxième tour. Je ne voudrais pas voir tous mes efforts réduits à néant à cause de personnes malveillantes mais aussi, à cause de ton côté ado attardé.
Il marque une pause avant de poursuivre.
-Le problème des films et photos de cette petite beuverie est réglé. Mais, il te faut un garde fou. Une personne qui veillera sur tes faits et gestes, t’empêchera de faire trop de bêtises.
-…
-J’ai tout arrangé. Cela fait un moment que j’ai anticipé ce genre de problème. Je me doutais qu’un jour ou l’autre, nous y serions confrontés.
-Confrontés à quoi ? Une soirée d’anniversaire entre adultes ?
Il hausse les épaules avant de poursuivre d’une voix redevenue monocorde.
-Non, confronté à ta personnalité un peu trop fantasque pour certains électeurs. Il faut recadrer tout ça. Donner une image qui puisse plaire au dépravé comme au bon père de famille.
Je ne relève pas l’allusion au dépravé. Peine perdue.
-Il te faut un fiancé. Une relation officielle.
-Quoi ?!!! Tu plaisantes là ?!!!Dis-moi que te fous de moi !! Carl, il fa…
La porte s’ouvre et une tête apparait dans l’entrebâillement.
-Les résultats finaux vont être annoncés d’une minute à l’autre. Tout le monde vous attend de l’autre côté.
-On arrive.
Carl s’avance vers moi, d’un geste sûr reboutonne ma chemise. Ajuste le col. Efface quelques plis imaginaires et me pousse vers la salle où le QG de campagne nous attend. Je lui lance un regard meurtrier, lui signifiant qu’il ne perd rien pour attendre. Pour toute réponse, il me pousse un peu plus vers les militants. Ceux des premiers jours, qui attendent avec une certaine émotion, le résultat du scrutin.
*****
L’agitation est à son comble au fur et à mesure que les pourcentages sont annoncés. Je suis en tête dans beaucoup de circonscriptions mais je n’arrive pas vraiment à me réjouir. Cette idée de fiancé ne me plait pas du tout et m’absorbe tellement que je ne réagis pas lorsqu’un cri de triomphe s’élève. Je me retrouve accolé de toutes parts. Félicité. Embrassé. J’ai l’impression d’être une marionnette. Finalement, c’est Carl qui me rattrape et me met à l’abri de toutes ces manifestations de joie. Il me file aussi un coup de coude pour me ramener sur terre et comme par magie, je m’anime enfin. Je lève les bras en signe de victoire. Joints les mains en signe de remerciement car sans eux, je ne serai pas là. Je souris. Je montre ma joie tout en sachant que ce n’est qu’une partie de la victoire finale qui vient de se jouer. Dans quinze jours, le second tour sera déterminant.
On peut lire la satisfaction sur le visage, ordinairement inexpressif de Carl. Je sais que c’est important pour lui de gagner. De mener à bien ce projet et de voir aboutir et se concrétiser son travail. Il œuvre pour une communauté. Pour obtenir des droits et les mêmes avantages que les hétéros. Depuis des années. Si près du but, il est certain qu’il ne va pas lâcher l’affaire. Je lui adresse un sourire et le prends dans mes bras tout en murmurant :
-Tu vois, pas besoin de fiancé pour y arriver.
J’espère que cette victoire lui fera oublier ses idées de me mettre en couple. Je retourne auprès de mes partisans, échangeant quelques paroles maintenant que je me sens hors de danger de fiançailles.
Je n’ai pas le temps de papoter car déjà, je dois donner des interviews. On me signale que des journalistes attendent une déclaration en direct. On me montre l’endroit où je dois me rendre. Carl m’accompagne.
Après le speech habituel, on répond aux sempiternelles questions. Toujours les mêmes. Aucune imagination. Je tente de m’éclipser mais Carl me retient et prend la parole.
-Mes amis, vous êtes conviés demain à 9h30 dans ces locaux où nous tiendrons une conférence de presse sur la suite de notre campagne mais en attendant, profitez bien de la soirée.
Je me penche vers lui pour lui demander des explications mais il me répond simplement :
-Dans la voiture.
Ce qui signifie que nous prenons congé et que le reste des troupes va rester répondre aux journalistes et vanter mes mérites.
****
Mathieu, mon chauffeur est un ami de longue date. Tous ceux qui m’entourent sont de vieilles connaissances. J’ai besoin de connaitre les personnes avec qui je bosse. Tandis que je m’installe confortablement sur la banquette arrière, j’en profite pour dégrafer le col de ma chemise. Tirant dessus pour élargir ce bout de tissu qui m’étrangle une bonne partie de la journée.
J’étire mes jambes, tourne la tête à droite, puis à gauche. Je sens toutes les tensions accumulées des heures durant me vriller les cervicales. Je frotte du bout des doigts mes tempes tout en fermant les yeux. Un soupir de bien-être m’envahit. Je me coule dans le siège avant de dire :
-Raconte…
Je tente discrètement de sortir mon paquet de clopes de ma poche, mais j’entends un :
-Tss Tss…pas dans la voiture
Et je pose sagement mes mains sur mes cuisses en attendant qu’il lâche le morceau.
-On ne rentre pas directement, nous allons faire un détour.
-Un bar gay ?
-Non. Nous allons chez ton …fiancé.
Je manque de m’étouffer en déglutissant.
-Quoi ?!!!
-Demain, il entre en scène. La conférence de presse est le bon moment pour te créer une nouvelle réputation. Une réputation d’homme stable.
Je fixe Carl en me demandant s’il se fout de moi mais, je devrais savoir qu’il n’est guère enclin à la plaisanterie.
-Et, d’un coup de baguette magique, je me retrouve avec un chéri alors qu’une semaine plus tôt, je n’étais qu’un dépravé…Tu crois que les gens vont gober ça ?
Je ne peux m’empêcher de ricaner.
-Ils le goberont si on sait le leur expliquer et quand ils verront Sebastian, tu remonteras forcément dans les sondages et dans leurs estimes. On fera taire les mauvaises langues.
-Ben voyons…il a quoi de si particulier ton Sebastian, que tu vois en lui le sauveur ?
-C’est un garçon adorable. Un musicien.
-…connu ?
-Non, pas encore. Il joue dans de petits endroits pour le moment.
-Me dis pas que tu l’as déniché dans le métro ?! Parce que pour la rencontre, c’est raté !! Je ne prends JAMAIS le métro !! Y’a trop de monde et ça pue.
-Je le connais personnellement. Rassuré ?
-Pas vraiment. Tu aurais pu me consulter. Des mecs et des nanas, j’en connais pleins. Je t’aurai filé mon répertoire.
-Justement, c’est tout ce que je ne voulais pas qui se trouve là-dedans.
-Et puis, c’est quoi cette tocade de vouloir me coller absolument avec un mec ? Tu sais très bien que je suis omnivore…
Pas besoin de tourner la tête, je sais que c’est à ce moment précis que Carl va plisser le nez et qu’une expression dégoûtée va venir se plaquer sur son visage.
-Peu importe. Nous sommes soutenus par un électorat qui pense que tu partages les mêmes valeurs qu’eux. Un fiancé est donc la meilleure solution.
Je n’ai pas le temps de rétorquer que Mathieu nous annonce qu’on est arrivé.
Je colle mon visage contre la vitre pour me rendre compte que nous sommes à quelques pâtés de maisons de chez moi. Tandis que l’on se dirige vers le petit immeuble cossu, je lève les yeux pour voir à quel étage il y a de la lumière. Tout est sombre.
Avant qu’on ne sorte, je le saisis par le bras et m’approche de lui.
-Je veux son contrat de travail chez moi, avant demain matin.
Il se libère calmement et sort, raide comme piquet puis lâche :
-Tout est en règle.
Je ne prends pas la peine de répliquer. Ce n’est pas la première fois que ce traitre de Carl vient car il connait le digicode par cœur. Je le suis sans un mot. Une fois devant la porte, il sonne. La porte s’ouvre et j’entends un simple :
-Bonsoir.
Carl entre et je m’engouffre à sa suite. Une fois dans le hall, je me retourne et me retrouve face à lui..
Merci. Cela fait tellement longtemps que j'ai eu pas mal de doutes avant de poster.
L'histoire est très prometteuse, j'aime déjà Carl, bizarre LOL
J'attend le prochain chapitre avec impatience
bisous !
De la politique selon Cass mdr
Ca m'avais tellement manqué >.
Faut qu'on te fasse de la pub sur notre blog avec Vanou lol
Hate de lire la "véritable" histoire de Seb et Brookyyyyy ! - et Llyod dans tout ça ? 0o
Bisous :)
Comme je le disais à Danouch, c'est la politique vu par Cass. Par contre, ça me fait plaisir que le début de cette fic te plaise.
Tu vois, je t'en veux tellement que je me lance dans le second chapitre xD
Je ne savais pas que j'avais un tel pouvoir mais merci du compliment.