CASS-TETE yaoi
Je ne sais plus depuis combien de temps je suis assis dans cette pièce, face à cet homme. Il parle. Au début, il s’est adressé à moi, mais quand il a vu que je ne l’écoutais pas, il s’est tourné vers Steph’ et a commencé son blabla. Ce n’est pas la première fois que je me retrouve là. Jusqu’à maintenant, je l’écoutais car je le croyais, mais aujourd’hui, le diagnostic est tombé, il y a peu de chance que je puisse rechanter un jour. Mais il assure que tout n’est pas perdu, que le centre où je vais séjourner et entamer ma rééducation est le plus performant d’Europe. Du coin de l’œil, j’aperçois Steph’ hocher la tête en signe d’approbation. Je savais depuis des mois que j’avais cette saloperie sur les cordes vocales, je me doutais bien qu’elle ne s’en irait pas d’un coup de baguette de magique, mais qu’elle s’en irait s’en faire chier. L’homme m’avait dit de m’économiser. Qu’est-ce qu’ils peuvent raconter comme conneries ces toubibs !! M’économiser ! Certes, Steph’ avait pris la relève lors des interviews. Ce n’était pas pour rien que je lui laissais la parole…pendant que l’homme continue son blabla, je me perds dans la contemplation du tableau qui mange une grande partie du mur derrière lui. Cette horreur m’a toujours intriguée. Cette toile blanche striée d’une multitude de rayures verticales noires…maintenant, je comprends…c’est la représentation de mes cordes vocales agonisantes. L’homme se lève, réajuste sa blouse blanche, fait le tour de son immense bureau. Steph’ me fait signe de me lever. L’homme me serre la main, tout en continuant son blabla, puis, se tournant vers Steph’ :
« Rendez-vous à 15h au centre. Croyez-moi, il n’y a plus d’autre solution. »
« Merci, professeur. A demain »
Et moi qui m’attendais à ce que mon meilleure ami lui lâche une vanne pourrie. Il me déçoit. Jim, mon garde du corps nous attend dans le hall. Trop poli pour demander ou alors, il a vu la tronche que tire Steph’ et en déduit que ça ne va pas du tout. A l’arrière de la voiture, je pense. Je suis en train de me demander pourquoi j’ai laissé Steph’ décider à ma place. Il n’y a pas que les cordes vocales qui sont pourries chez moi, le cerveau aussi doit être atteint…demain il m’enferme dans un centre de rééducation. Et merde !
***
J’ai pourtant fait tout ce qu’ils m’ont dit. Je n’ai pas parlé pendant une dizaine de jours, mais je voyais bien lors de mes visites que le toubib avait toujours son petit sourire embarrassé. Il répétait sans cesse :
« Il ne faut pas vous en faire. Ça va s’arranger »
Moi, je ne me suis pas inquiété, enfin, si un peu tout même. Ma voix c’est tout pour moi, alors, je l’ai cru l’autre abruti. Et voilà où j’en suis. Demain je vais me retrouver enfermer je ne sais où. Je comprends Steph’. Je deviens invivable. Un vrai connard. Je me demande comment il ne m’a pas encore casser la gueule avec tout ce que je lui fais vivre. Je suis dans ma chambre, je prépare mes valises.
« Ça va ? »
« … »
« C’est pour ton bien »
« Je sais »
Effectivement, je sais qu’il le fait pour moi et non, pour le groupe.
« Je ne sais pas si je vais résister…sans toi »
Il sourit.
« Tu ne vas plus avoir à supporter ma cuisine. Et qui sait, il y aura quelques filles canons parmi le personnel .Imagines, toutes nues sous leur petites blouses blanches… »
Je ne peux m’empêcher de rire.
« Tu sais combien de temps je dois rester là-bas ? »
« Tout dépend des progrès que tu feras »
« Ok »
« Ça te dis une p’tite fête avec les potes ? »
« Non, pas vraiment. »
« Comme tu veux » et en disant ça, il s’assoit sur le lit. Il m’observe tandis que je remplis mes valises.
« Lenny, tu sais que tu ne pars pas définitivement ? »
« ? »
« T’es sûr que t’as besoin d’autant de fringues ? Je me demande si ce n’est pas un peu exagéré »
Pour toute réponse, je lui balance un t-shirt à la figure.
On passe la soirée ensemble. J’ai l’impression d’être à un enterrement. A mon enterrement. Ça me plombe un peu plus le moral.
***