CASS-TETE yaoi
Je m’applique à l’éviter. Pas lui. La confrontation. Jour après jour. Jusqu’à mon départ. Dans une semaine. Il est venu plusieurs fois. J’ai vu sa voiture. Je suis repartie. Trainant de rues en pubs afin d’être sûre qu’il ne soit plus là à mon retour. Et je rentre tard, sous l’œil désapprobateur de ma grand-mère.
Ce soir, comme d’habitude, il est là. Comme cette boule qui se noue au creux de mon estomac. Comme ce manque si difficile à accepter. Et comme chaque soir je vais repartir lorsque sa voix retentie dans l’obscurité.
« Reste là ! »
J’entends ses pas venir dans ma direction. Sa main me saisir le bras, me retourner et me trainer à l’intérieur.
Je sais qu’il est en colère. Cela fait une semaine que je me fous de lui en l’évitant. Je me retrouve dans le hall d’entrée. Il est furieux.
« Tu comptais fuir encore longtemps ?! »
« Je n’ai rien à te dire »
« Je suis ton père. Je pense avoir droit à un minimum de respect »
« Ok. J’ai été occupé. Des devoirs par-dessus la tête. Mon départ à planifier. Le permis à passer. Ma nouvelle vie à organiser. Toi et … à ne pas déranger »
Il soupire.
« Plus que quelques jours et je disparais.»
« Comment peux-tu croire que je veuille me débarrasser de toi ? »
« C’est toi qui voulais que je prenne un appartement ! »
« Un appartement en ville, pas te tirer à l’étranger !!! »
Le ton monte. On s’énerve.
« Bon, tu as fini ? »
« Non ! »
Il se rapproche.
« Je n’ai jamais rien fait comme les autres. Un enfant à 17 ans. Coucher avec toi. Là, j’en ai marre. J’aspire à une certaine normalité. Ouais, une vie de vieux con rangé. Ça m’irait parfaitement. Alors tu peux faire cette tête aussi longtemps que cela te chante, c’est ainsi. Ton père va devenir un vieux con rangé et… épouser Dania »
« T’as fini ? »
« … »
« Quoi...? Tu pensais que j’allais me rouler par terre ? Pleurer ? Te supplier ? Hé bien, non. D’ailleurs, je trouve que tu as raison. A bientôt 40 ans, il est temps que tu deviennes un vieux con rangé. Ça ne pouvait pas durer de te faire sucer par mes amies entre deux audiences. Tu m’excuseras, mais j’ai du travail et encore quelques affaires à préparer. Embrasse ta future femme de ma part »
« Eve…ça ne pouvait plus durer. Rester avec toi c’était t’empêcher de vivre. De rencontrer un homme avec qui tu auras des enfants. Une vie normale quoi. »
« C’était la vie que j’avais choisi. Là, j’ai la vie que tu m’as imposée. »
« Je fais ça parce que je t’aime »
« Moins qu’elle apparemment »
Je n’attends pas sa réponse. J’en ai assez entendu. Je veux retrouver ma chambre. Son silence. Sa solitude.
***