Il ne s’est pas retourné. Il n’a pas bougé. Je quitte la pièce sans me retourner. Je pensais que cela me ferait du bien de lui faire du mal, mais il n’en est rien. Je suis dehors. Je réalise que je n’ai pas envie qu’il meure par ma faute. Je rentre pour aller le retrouver lorsque je vois arriver Paul. Je suis étonnée. Il m’agite son portable sous le nez.
« Il est où ? »
« Dans le bureau »
Il rentre comme un fou. Je reste pétrifiée sur place. Je les vois ressortir. Avant de partir Paul m’ordonne de ne pas bouger.
« Je le dépose et je reviens te chercher ! T’as intérêt à être là ! »
Paul est revenu me chercher. On arrive aux urgences. Ils ont déjà pris en charge Lucas. Le médecin veut me parler. Alors que Paul me suit, il lui fait signe que non. Il me conduit près de Lucas. Je suis très mal à l’aise. Normal, je culpabilise à mort. Le médecin veut savoir ce que j’ai mis dans son thé. C’est Lucas qui vient à la rescousse.
« J’ai expliqué au médecin que ma grand-mère avait la fâcheuse habitude de mettre des coupelles pleines de sucre en poudre mélangé avec du poison dans les placards depuis qu’elle avait vu une souris rôder. Il veut connaître la quantité que tu as mise dans la tasse »
« J’ai mis au moins une cuillère à café »
« Ok »
« Et le thé, il n’y avait que du thé dans le pot ? »
Je regarde Lucas en l’interrogeant du regard.
« Je suppose que oui »
« Oui, là, il n’y a que du thé »
« Parfait. Tu vas avoir droit à un lavage d’estomac. Ce n’est pas très agréable mais c’est la seule chose efficace contre le poison. » Puis se tournant vers moi :
« Et toi ? Tu en as bu ? »
« Si, mais sans sucre »
« Parfait. Je vais m’occuper de ton ami. Il faudrait prévenir ses parents »
« On va s’en occuper »
Je regarde Lucas partir avec le médecin. Je rejoins Paul dans la salle d’attente mais à peine arrivée, il me pousse vers l’extérieur.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce que tu lui as fait ? »
« Tu ne te faisais pas tant de soucis lorsqu’il me violait dans la salle de bain. Préviens ses parents. Je rentre chez moi. Dis-toi que j’aurai pu le laisser crever »
Alors que je vais partir, j’entends le médecin qui m’appelle.
« Mademoiselle ! »
Je retourne le voir.
« Votre ami m’a dit que vous en aviez bu dans sa tasse. »
« Juste une goutte »
« Je ne peux pas vous laisser partir. Je vais vous garder en observation »
« Je vous assure, je n’ai quasiment pas bu »
« Tant mieux mais je préfère vous garder. Vous serez dans la même chambre »
Lorsqu’il parle d’observation, ce n’est pas derrière une vitre. Non. J’ai droit à une prise de sang. Après ça, on me conduit dans une chambre. Il y a deux lits. Le mien et celui de Lucas. L’infirmière me dit que si je ne vais pas bien, je n’ai qu’à appuyer ‘là’, et elle me montre un interrupteur. Elle me demande aussi si j’ai prévenu mes parents. Je lui réponds pas encore car je n’étais pas sensée être malade. Elle me laisse enfin. Je m’assois sur le lit en attendant le retour de Lucas, rejointe bientôt par Paul. Je n’ai pas envie de parler et encore moins qu’il me fasse chier. Il s’assoit sur l’autre lit et reste muet. C’est moi qui brise le silence.
« Tu as prévenu les parents de Lucas ? »
« Tu veux que je leur dise que tu as essayé d’empoisonner leur fils unique ? »
Je ferme les yeux et c’est le visage de Lucas que je vois. Un bruit de roulettes dans le couloir. C’est lui qu’ils ramènent. Paul se lève et sourit à son ami qui a l’air fatigué. Ils lui ont enfilé un tuyau dans la gorge jusqu’à l’estomac, ensuite balancer des litres d’eau et tout est ressorti. Même le poison.
Il est sur le lit. L’infirmière me dit qu’il va avoir du mal à parler. Qu’il lui faut du repos. Qu’on va passer la nuit ici. Demain, si tout va bien, on sort. Elle nous laisse enfin seuls.
J’ai envie de m’excuser, de lui dire que je regrette mais ses parents sont là. Son père me regarde surpris, mais il se ressaisit et se dirige vers son fils. Je sais à qui Lucas ressemble. C’est tout le portrait de sa mère. Elle a les yeux rouges. Elle a dû pleurer. Elle semble si fragile. Je sors de la chambre pour les laisser seuls. Je n’ai pas envie de les entendre. Je n’ai toujours pas appelé ma mère, je ne voulais pas qu’elle se retrouve dans la même pièce que le père de Lucas. Il me rejoint dans le couloir, me dit bonjour et me demande comment ça s’est passé. Je lui raconte la version de Lucas. C’est la seule que je raconterai. Sa femme lui demande de rentrer. Je reste seule. Je commence à avoir mal au ventre. Je pars à la recherche de l’infirmière mais je n’ai pas à chercher longtemps. Elle est là. Je ne dois pas avoir aussi bonne mine que lorsque je suis arrivée car elle m’entraîne vers la chambre.
« J’ai envie de vomir, c’est normal ? »
« Oui, c’est normal »
Je rentre en trombe dans la chambre, je m’engouffre dans la salle de bain. J’ai tout juste le temps de visualiser la cuvette des toilettes que je vomis. J’ai l’impression de gerber mes tripes. J’entends des voix dans la chambre, ça parle fort. Je sens une main qui me retient les cheveux. C’est Lucas. Il a poussé l’infirmière qui braille. Ses parents aussi lui gueulent dessus et moi, je dégueule. Je me relève enfin. L’infirmière a bipé le docteur car Lucas a arraché sa perf pour venir me rejoindre. C’est le toubib qui met tout le monde d’accord en les virant de la chambre.
« Laissez-les tranquilles. Vous reviendrez voir votre fils demain. Plus de visite pour ce soir. »
Il rentre dans la salle de bain et nous dit :
« Lorsqu’elle aura fini de vomir, sonne l’infirmière. Elle te remettra ta perf et elle s’occupera de ta copine »
Il a raison, je n’ai pas fini de vomir, je sens une nouvelle douleur et me voilà replongeant la tête première dans les chiottes pour me vider l’estomac. Cette fois, c’est la bonne. Des larmes coulent le long de mes joues. Je m’écroule par terre. Je n’en peux plus. Lucas me récupère dans ses bras. Je pleure. Je ne sais pas combien de temps on reste comme ça.
« Vicky, chérie »
Je me redresse et je sors de la salle de bain. Je dois avoir une tête qui fait peur car ma mère pâlit.
« Je vais bien »
« Je t’ai apporté des affaires propres. Il y a aussi tes affaires de toilettes »
« Merci »
J’ai envie de lui demander si elle couche avec le père de Lucas mais, je n’en ai pas le courage. Finalement, j’ai juste envie de la voir partir. C’est le docteur qui va se charger de la mettre dehors, elle aussi.
« Où est Lucas ? »
« Dans la salle de bain »
On entend l’eau couler. Il est sous la douche.
Le médecin nous laisse mais, il repassera plus tard.
Dès que je n’entends plus le bruit de l’eau, je prends mes affaires et j’entre dans la salle de bain. Il se sèche. Je me déshabille et je file sous la douche. Lorsque je le rejoins dans la chambre, il est allongé sur son lit. L’infirmière a du venir car il est à nouveau attaché à sa perf. Je le vois la biper, elle arrive quelques minutes plus tard. Elle me pose des questions, me prend mon pouls. Tout à l’air d’aller. Elle me donne tout de même des comprimés à avaler. Je vais me mettre sur mon lit lorsque je sens la main de Lucas sur ma cuisse. Je me retourne. Il se pousse pour me laisser une place. Je m’installe avec lui. Je vais parler mais il pose ses doigts sur ma bouche.
« Chutttt… »
Je reste contre lui. Le médecin repasse nous voir comme il l’avait dit. En nous voyant dans le même lit, il sourit. Il ausculte Lucas. Tout va bien pour lui. Dès qu’il repart, je tente de parler à Lucas, mais c’est lui qui prend les devants.
« Je ne veux plus de faire de mal à cause de mon père et de ta mère. J’ai été injuste avec toi, ça fait longtemps que mes parents ne s’entendent plus. J’ai toujours eu l’espoir que cela s’arrangerait, la venue de ta mère dans la vie mon père m’a fait comprendre que j’espérais en vain. Je n’aurai jamais du abuser de toi. Je t’ai drogué car sincèrement, je ne voulais pas que tu ais mal. J’ai mérité ce que tu m’as fait. Tu es libre. Libre de vivre ta vie tranquillement. Libre de retourner avec Olivier. Tu n’as plus besoin d’avoir peur. Tu ne me retrouveras plus sur ta route. »
Je suis toujours collée contre lui.
« Je vais dehors fumer. Cela ne te dérange pas, si je te laisse seul quelques minutes ? »
« Non. Est-ce que tu peux téléphoner à Paul pour lui dire que je vais bien ?
« Bien sûr »
Je l’embrasse sur la joue.
« Vicky… »
Je l’embrasse sur la bouche.
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