Mercredi 19 novembre
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Anaïs est venue me chercher. Je lui ai demandé l’hospitalité pour les semaines à venir. Elle a
accepté. Sans me faire la morale. Sans me faire de reproche. Je suis passée devant notre chambre mais elle m’a installée dans la chambre d’amis. Je n’ai pas émis d’objection.
***
Dès le lendemain, je reprends contact avec l’auto-école. Je dois absolument passer mon permis
avant mon départ. C’est le père d’Elisa le moniteur. Il me case pour la semaine suivante. Lentement mais sûrement l’étau se resserre. Arnaud est
super excité à l’idée de notre prochain départ. Je tente de me montrer aussi enthousiaste que lui.
***
Greg a réussi grâce à ses relations à me dénicher une place dans la même université qu’Arnaud.
Tout s’enchaîne. Plus rien ne me retient.
***
Allongée sur le lit, je fume. De temps en temps, mon regard s’attarde sur lui. Je me penche,
écrase mon mégot dans un mug.
« Il faut que j’y aille »
« Déjà ? »
« Oui, déjà. Elle a organisé un diner pour certains membres de la paroisse. J’ai promis de
l’aider. »
« Tu es un amour »
Un sourire moqueur se dessine sur mes lèvres pendant que je m’extrais du lit et que je me
rhabille.
« À demain »
Je dépose un baiser sur ses lèvres. Arnaud est un mec bien. Je ne le mérite pas.
« Oui, à demain »
***
Lorsque j’arrive chez mes grands-parents, Anaïs est déjà en train de s’activer dans la
cuisine.
« Tu as passé une bonne journée ma chérie ? »
J’admire la façon dont cette femme gère la situation. Imperturbable. Inébranlable.
« Oui, oui…je fais quoi ? »
Elle me montre des légumes à éplucher. C’est dans mes capacités. Absorbée par ma tâche et mes
pensées, sa voix me fait revenir dans la cuisine.
« Eve, ton père n’arrive pas à te joindre. Il aimerait te parler »
Je lève la tête.
« Moi, pas. Je n’ai rien à lui dire. »
« Eve »
« Quoi, Eve ?!! Il m’a largué pour cette pouffiasse !! »
« Eve !! Tu parles de ton père »
« Non ! Je parle du mec avec qui je couche…couchais »
« Eve ! S’il te plait. Tu dépasses les bornes »
« Ça fait longtemps que j’ai dépassé les bornes. Atteint le point de non retour. Et quand je
parle de Greg, je parle de mon amant. Pas de mon père. Même si c’est la même personne. »
« Chérie, cette situation est malsaine. Cela ne pouvait pas continuer. Ça ne se fait pas
d’entretenir de telles relations avec son père. Non, ça ne se fait pas »
Elle ne crie pas. N’est même pas en colère. Elle énonce seulement ce qui pour elle doit se faire,
ou non. Elle a raison. Je le sais mais je ne l’admets pas. Pas encore. Cette relation sera finie lorsque je l’aurais décidé et non quand LUI l’aura décidé. Elle s’est approchée de moi et m’a
prise dans ses bras. Comme lorsque j’étais enfant.
« Écoutes chérie, ton père et Dania se connaissent depuis des années. Lorsque tu étais jeune,
ils ont eu une relation. Pendant des années. Puis, ils se sont séparés… »
« Tu veux dire qu’il l’a largué quand on a commencé à coucher
ensemble ? »
Elle soupire, un brin agacée.
« Oui, je suppose »
Je la repousse.
« Tu dois être contente, il m’a largué pour se remettre avec
elle !!! »
« Eve ! Ça suffit. Tu es une adulte. Grégorie est ton père. Qu’est-ce que tu t’imaginais
ma petite fille ?! Que vous alliez vous marier, avoir des enfants et vivre heureux ???!!! Réveilles-toi ! »
Je me tais.
«Bon, les légumes ne vont pas s’éplucher tout seuls. On se remet au
travail ? »
Je regarde ma grand-mère. Les légumes. Une envie de tout envoyer chier mais je reprends mon
économe et me remets à ma besogne.
« Et je ne veux plus t’entendre parler de ton père comme ça »
« Je l’aime trop. C’est le seul problème »
« Je sais chérie. Appelle-le. Il est temps que vous ayez une bonne explication. Alors, ce
repas, on le prépare ? »
« Oui mamie »