« Nous survolons les Pyrénées »
La voix du commandant de bord commente le paysage.
Arnaud, les oreilles cachées sous son casque écoute de la musique. Moi, le nez collé au hublot, je regarde les kilomètres défilés.
Aéroport d’El Prat.
Je traine mes valises. Ma vie. Mon chagrin. Le tout avec le sourire. Dans deux semaines c’est Noël.
***
Je vis dans un grand appartement avec 9 autres colocataires dont Arnaud. Une vraie tour de Babel. On a déniché un sapin de Noël. Pendant que certains s’activent à le décorer, d’autres se sont mis aux fourneaux.
J’ai opté pour la décoration. Je ne suis pas vraiment un cordon bleu. Anaïs s’est toujours chargée de faire la cuisine.
Anaïs. La maison. Ça me manque. Les odeurs de pâtisserie et d’épices qui flottaient dans l’air. Moi qui piquais un gâteau à chaque passage dans la cuisine et ma grand-mère qui inlassablement disait « Eve ! » à chacun de mes larcins.
Greg que je bourrais de gâteaux en lui disant « Vas-y goûte ! Sont meilleurs que l’année dernière, non ? »
Papi, imperturbable au milieu du bordel ambiant. Tranquillement assis. Lisant le journal et buvant du café.
Le sapin que je décorais, n’oubliant pas de mettre toutes les horribles décorations que j’avais fait enfant, sachant que cela ferait hurler Anaïs avec un sempiternel « Encore ces horreurs ! » auquel papi répondrait « Mais enfin, c’est la petite qui a fait ça pour son père. Tu ne voudrais pas qu’on les jette ? Mets-les ma chérie, ton père les adore »
J’ai l’impression d’entendre leurs voix. Mais ce ne sont que les voix de mes colocs qui me ramènent dans cet appartement qui n’est pas le mien. A fêter Noël avec une bande d’inconnu.
Je laisse les guirlandes et pars dans notre chambre. Besoin de quelques minutes d’isolement.
« Hé, tout va bien ? »
Je fais ‘oui’ de la tête car je sais qu’aucun son ne sortira de ma bouche.
« Je comprends que cela puisse être difficile pour toi. Tu es tellement proche de ton père. C’est la première fois que vous êtes séparés. Mais…en règle générale, les enfants arrivent à résoudre leur Œdipe vers 5/6 ans. Tu en as 19. Il serait temps que tu coupes le cordon, tu ne crois pas ?...J’aime à croire que tu m’as suivi parce que tu m’aimes et non, parce qu’il se marie. Je veux bien être patient. Compréhensif. Mais je ne suis pas ton père. Je ne suis pas son remplaçant. Je suis ton mec. Si tu cherches un ‘papa’, ça va pas le faire. »
Il n’est pas rentré. Il est resté sur le pas de la porte. Sa tirade finie, il quitte la chambre.
Je ne pourrais jamais lui expliquer. Jamais lui parler. Ni à lui. Ni à un autre. Car avec toute la compréhension du monde, jamais personne ne pourra comprendre ni pardonner mon acharnement.
***
Minuit. Ouvertures des cadeaux.
Arnaud découvre des clubs de golf. Moi, un bracelet en forme de menotte. Je ne sais pas comment
prendre son geste. Finalement, je lui tends mon poignet et me laisse enchainer.
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lol. même les kdo sont tordus chez moi lol