Jordan s’est tut. Plus de questions sur ma vie privée, qui est inexistante. J’en ai plus depuis une semaine que durant les cinq années qui se sont écoulées. J’ai pu embrasser Kristen sans avoir une meute de paparazzis collés à mes basques, ni faire la Une de tous les magazines pour ados. En fait, je revis. Je peux même dormir avec un mec sans qu’on me traite de tafiole. Je souris tout seul. Je flotte. J’ai la sensation de flotter. Je suis léger. Heureux et libre.
« Pourquoi tu souris ? »
« J’suis bien. ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi bien »
« L’herbe magique, y’a que ça de vrai »
« J’ai faim »
« T’as faim ? »
« Ouais, y’a un con qui m’a éclaté la bouche ce midi, je n’ai pas mangé du coup »
« Attends »
Il se lève, titube légèrement, fouille dans son bordel et revient sur le lit avec un paquet de gâteau.
« Pour me faire pardonner »
« Tu crois que ça va suffire ? Tu rêves ! »
Mais pour l’instant, j’ai vraiment les crocs. Ma lèvre me rappelle à l’ordre constamment. Je me suis accoudé pour manger. Jordan pioche dans le paquet. Ça va mieux. Je pourrais tenir jusqu’à ce soir.
Je me renverse. Le ventre plein. La tête dans une sorte de nébuleuse, je sens des lèvres se poser sur mes lèvres. Délicatement. Lorsque sa langue tente de franchir la barrière de mes lèvres, je réagis, mais pas comme je devrais. J’outre-ouvre les lèvres. Je le laisse pénétrer. Sa bouche a le goût du chocolat.
« C’est toi qui me plait. Pas elle. Elle ne m’a jamais plut. J’étais jaloux. C’est tout »
Je le repousse. Je me lève et je quitte la chambre sans me retourner.
Dans le couloir, je marche. Je marche de plus en plus vite sans savoir où je vais.
***
Je suis devant les grilles. De l’autre côté se trouve ma vie. Mes obligations. Le paraître. Ici, contrairement à ce que je croyais au début, la liberté. Je profite des dernières heures de l’après-midi pour me perdre dans l’immense parc. Me perdre pour mieux me retrouver. J’aperçois le grand bâtiment blanc. Je regagne cette immaculée conception. Les couloirs sont vides. La plupart des pensionnaires quittent les lieux pour le week-end. Pourquoi pas moi ? Tout à mes pensées, je n’ai pas remarqué Jordan, assis par terre. Il bondit dès que j’arrive.
« Ne me touches pas ! »
Mes paroles ne servent à rien, il me pousse dans ma chambre. La porte claque. Il me tient par le poignet.
« Tu crois que tu vas t’en sortir comme ça ? »
« Pardon ? Tu me traites de fiote depuis que je suis arrivé et là, tu m’avoues que je te plais. T’es un grand malade, toi !»
« Tu ne m’as pas repoussé lorsque je t’ai embrassé »
« Avec toute l’herbe que j’avais fumé, je ne savais plus ce que je faisais »
« Des excuses !! Voilà ce que tu cherches ! Des excuses ! »
« C’est la vérité »
Il s’approche de moi, furieux.
« La vérité…hein, la vérité… »
Il s’approche, je recule mais cette chambre est minuscule. Je sens le lit derrière moi. S’il continue d’avancer, je vais m’écrouler sur mon pieu et je n’en ai aucune envie. Seulement la tornade blonde, lui, n’a qu’une idée, m’expédier sur mon lit. D’un geste, il me pousse, je perds l’équilibre et je finis là où je ne voulais pas être. Il se laisse tomber sur moi. Le poids de son corps me coupe le souffle. Je tente de le repousser, mais il a plus de force que moi. Il m’a emprisonné les poignets.
« Si je t’embrasse, maintenant que tu as l’air d’avoir les idées un peu plus claires, tu ne devrais pas apprécier, n’est-ce pas ? »
« Tu ne vas pas remettre ça ! Je ne vais pas te laisser faire ! »
Il s’est calmé.
« Je ne sais pas si tu as remarqué, mais tu n’es pas en position de force »
Je tente de me dégager mais les mouvements que j’effectue pour le faire gicler de dessus moi, le font sourire.
« Arrêtes, tu m’excites »
Je me fige instantanément.
Il se baisse pour m’embrasser.
« Tu vas le regretter si tu t’approches »
« …tsss…tu ne disais pas ça tout à l’heure »
Quand il parle, je sens son souffle sur mon visage. Je commence aussi à sentir la partie sensible de son anatomie qui durcit dangereusement. Il a remarqué mon étonnement car il susurre :
« Je te l’avais bien dit que tu me faisais de l’effet »
Mon regard est rivé sur sa bouche. Sa lèvre tuméfiée. Si je continue, j’ai bien peur que moi aussi je me mette à durcir…tellement concentré sur moi, je ne bouge pas quand il pose ses lèvres sur mes lèvres. Revenant à la réalité, je reste de marbre en espérant qu’il se lasse mais Jordan, ne se lasse jamais. Jordan, n’abandonne jamais.
Il passe sa langue sur mes lèvres. Au contact mouillé de celle-ci une onde de chaleur me parcourt.
« Arrêtes. S’il te plait »
« …»
« Non ! »
J’en profite pour le repousser et il se laisse faire. Je m’assois sur le lit. Je sens sa main dans mon dos. Elle passe sur mon torse, descend sur mon ventre. Alors qu’elle s’égare sur mon sexe, je la stoppe. Je l’ai à peine relâchée que sa main reprend son exploration.
« Cela fait combien de temps que tu te bats pour paraître ‘normal’ ?»
« Je suis normal »
« … »
« Alors laisses-moi faire »
Sa main est remontée sur mon torse, et doucement il me fait basculer sur le lit.
« Len… »
« Je n’ai pas le droit »
« Tu n’as pas le droit ? »
« Non, je n’ai pas le droit d’avoir une vie privée. Je n’ai pas le droit d’avoir quelqu’un dans ma vie et encore moins un mec. Lenny Mc Coy appartient à ses fans »
« Hé bien, disons que ce soir, Lenny Mc Coy m’appartient »
Il clôt la discussion en m’embrassant. Sa langue joue avec mon piercing. Ça a l’air de l’éclater ce truc. Puis, sérieusement, il se redresse et me fixe :
« Et si ton opération n’avait servi à rien ? Et si la rééducation ne servait à rien ? Et si tu ne pouvais plus jamais rechanter ? …»
« Je serai enfin libre »
Je sais aussi que lorsqu’il revient sur ma bouche c’est pour ne plus la lâcher. Il me déshabille tout en m’embrassant. Je fais la même chose, mais beaucoup plus maladroitement. J’appréhende de me retrouver nu.
« Tu sais, c’est la première fois… »
« Je ne ferai rien que tu ne veuilles et si tu ne veux pas ou que quelque chose te mette mal à l’aise, dis –le et j’arrêterai »
Nos corps sont collés l’un contre l’autre. Je sens ses mains explorer chaque parcelle de ma peau. Lentement, je me détends. J’apprécie. Lorsque sa main se pose sur mon sexe, j’ai un léger mouvement de recul. Il s’arrête aussitôt mais je l’encourage à poursuivre en le caressant moi aussi. Le désir et le plaisir me submergent. On éjacule presque en même temps. Cela n’a rien à voir avec tout ce que j’imaginais. Je sais aussi que c’est de la masturbation. Certes à deux, mais cela n’est que de la masturbation. Avant de se lever et d’aller prendre une douche, il m’embrasse et murmure :
« J’ai été sage malgré tout ce que j’avais envie de te faire »
« Tu avais intérêt à rester sage. Je ne suis pas prêt à tout accepter »
« Pas encore »
« Pas encore ou peut-être jamais »
Pendant qu’il prend sa douche, je regarde mon corps maculé de nos spermes.
J’ai envie de fumer. Mais si je bouge, je vais en mettre partout. Du sperme. Ma tornade blonde revient de la salle de bain. Il sourit en me voyant.
« Tu ne pourrais pas me passer mes clopes ? Juste là. Merci »
« Je vais chercher des vêtements propres dans ma chambre. On se retrouve en bas ? »
J’opine de la tête.
Je le regarde quitter ma chambre. Je ferme les yeux et je continue à fumer. Jordan revient près du lit.
« Tu ne t’endors pas, beauté ? »
« Non »
Cette fois, il est parti.