« Allez grouille, on est en retard »
Main dans la main, on court. Je suis rentrée en France. Avec Arnaud. Ce n’est pas définitif, juste momentané.
« T’es sûre que c’est là ? »
Je m’arrête, essoufflée, l’obligeant à s’arrêter. Je tente de reprendre ma respiration. Je sors mon portable de mon sac, et regarde pour la énième fois le message de ma grand-mère.
« Ben, oui, c’est là »
On regarde le grand bâtiment. Il commence à entrer mais je le retiens. Inconsciemment mais fermement. Il me fixe.
J’opine de la tête et le suis. Le bruit de mes talons résonne dans le couloir interminable que l’on suit. Puis, dans les escaliers.
Depuis que je suis partie, je n’ai plus jamais reparlé à Grégorie. Je l’ai évité. Je n’ai jamais voulu écouter l’un de ses messages, les effaçant systématiquement. C’est ainsi qu’au fil des jours, au fil des mois, je me suis détachée. Douloureusement. J’ai coupé le cordon qui l’étranglait. L’empêchait de vivre. J’ai fait ce que les parents font quand ils laissent partir leurs enfants, si ce n’est que moi, c’est mon père que j’ai laissé partir.
Avec Anaïs on a passé un accord tacite. Elle ne me parle pas de son fils sous peine de ne plus jamais avoir de mes nouvelles. Mais là, l’accord a été rompu. Elle se devait de m’informer. Libre à moi de venir. Elle a juste insisté sur le fait que mon père voulait que je sois là, à ses côtés.
Je me suis décidée il y 2 jours. Anaïs a réservé les billets d’avion. Me revoilà en France.
Les bruits qui viennent de la grande salle m’indiquent que nous sommes enfin arrivés. Surtout moi. Le bout de mon voyage. Un étrange sentiment. Je regarde sur la porte la plaque en laiton qui brille, qui semble me narguait en affichant en lettres capitales « SALLES DES MARIAGES ».
Les cours donnés et 40 euros en poche, je file à la bibliothèque. Je commence à connaitre cet endroit par cœur et regrette d’y avoir un jour mis les pieds. Je pars à la recherche d’autres ouvrages de Maximilian. Je ne sais pas exactement ce que je cherche. Je suis incapable de comprendre celui qu’il n’a pas fini, alors les autres, s’il y en a, risque d’être un grand mystère aussi. Je découvre des recueils de poésie et l’image de ma mère et son sourire béat me traverse l’esprit. Voilà ce qu’elle lisait. Voilà pourquoi elle le remerciait. Tu m’étonnes ! Il fait de la pub pour ses bouquins. Il ne manque pas d’air. J’ouvre rapidement un livret. Je jette un coup d’œil. Je ne suis pas prêt d’aimer la poésie ni de comprendre. Alors que je m’apprête à le ranger, je m’aperçois que les premières pages sont en fait, une biographie de l’auteur. Je commence à lire. J’apprends qu’il est né le 23 avril 1860. Que personne ne connait le jour exact de sa mort mais seulement l’année. 1880. Il avait 20 ans. Issu d’une famille aristocratique, Lombardi n’est pas son vrai nom. Il s’appelle en fait Maximilian de Bernal-Thullier. Il est comte. Son nom d’écrivain vient de la région d’où sa mère, une princesse italienne, est originaire – la Lombardie- . Ses frasques homosexuelles l’ont éloigné de sa famille.
« Si tu m’avais demandé, je t’aurais répondu »
Je referme le livret d’un geste brusque.
« Tu me suis ma parole ???!!! »
Alors que je vais continuer à l’incendier, je vois apparaitre la tête de la bonne femme qui surveille ce sanctuaire.
« Ça ferme. Vous pourrez revenir cette après-midi »
Je range le livre. Ramasse mes affaires et commence à quitter les lieux en l’ignorant. Je hais ce type.
***
J’avance sans le regarder. Je tente de ne pas penser mais plus je m’acharne à faire le vide, plus les pensées arrivent et se bousculent dans ma tête. Mon portable n’arrête pas de vibrer. Cela s’ajoute à mon énervement. D’un geste vif, je le retire de ma poche. Jean-Phi innonde ma messagerie vocale de messages pour Maximilian. Malgré la folle envie d’envoyer l’engin valdinguer sur le bitume, je me retiens et le donne au principal concerné. Sans le regarder. Toujours. J’accélère le pas. Je ne veux pas entendre leur conversation. Je me barre. Sans réfléchir cette fois. La tête enfin vide. J’avance sans me retourner. Quand je m’arrête enfin, je suis devant chez Medhi. Seul.
Je sonne. Il vient m’ouvrir. Toujours impassible, quelque soit les circonstances. Quelque soit la tête que je tire. Il me laisse entrer. Ni l’un, ni l’autre ne brisons le silence. Comme à notre habitude, on s’assoit par terre. Côte à côte. Je sors mes clopes. Lui en file une. On fume. Ce n’est qu’au bout d’un long moment que je me décide à parler.
« Alors, t’as toujours envie que je t’aide pour ton DS de physiques ? »
« Bien sûr »
C’est comme si la vie revenait. On se lève. On se met au travail. On se vanne. Mon sourire est revenu.
***
Je passe l’après-midi au Skate Park avec Medhi. Je retarde l’heure de rentrer. Mais la pensée de ma mère s’inquiétant pour moi, me fais rejoindre la maison. Même si lorsque j’arrive, je la trouve souriante et loin de s’inquièter pour son rejeton. Un sentiment de haine me traverse. Rageur, je monte dans ma chambre. Je balance mon blouson sur le sol, vite rejoint par mon écharpe et mes gants dans lesquels je shoote rageusement.
« Hunter chéri. Tout va bien ? »
Ma mère est entrée sans que je l’entende.
« Je croyais t’avoir dit de FRAPPER avant d’entrer !! Et OUI, je vais bien. Ça ne se voit pas ? »
Mon ton la surprend. Il me surprend aussi. Je ne lui ai jamais parlé de cette façon.
« Excuse. Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment…Le stress sûrement »
Je m’approche d’elle. La serre dans mes bras et dépose deux gros baisers sur ses joues.
« Le repas est prêt. Je travaille ce soir…Si tu as un souci, tu sais que tu peux m’en parler… »
J’acquisse tout simplement.
Le repas se passe dans la bonne humeur. Je fais un effort pour être agréable. Je ne suis pas sûr que ma mère soit dupe, mais elle se contente de cette façade. Je la vois partir travailler avec soulagement. Je peux tomber le masque.
***
« Pas content de me pourir la vie, en plus, tu accapares ma mère !!! Tu la dragues ou quoi ? »
« Ou quoi… »
« Putain, arrêtes avec ça !! Et ton maudit bouquin, tu vas le finir. Tu vas dégager ?! Parce que là, je sature. »
Je suis retourné chercher mon paquet de clopes dans la poche de mon blouson. En espérant ne pas l’avoir réduit en poussières. Fébrilement, j’en extrais une. L’allume et tire dessus comme un malade tout en m’adossant contre le mur.
« Je ne suis plus moi-même depuis que tu es là »
Aucune colère. Aucune rage. Juste une immense lassitude qui me gagne. Je lève un regard interrogateur vers lui.
« Alors ?... »
Il se rapproche. J’ai bien envie de lui dire que je ne suis pas sourd, mais le sourire qui se dessine sur ses lèvres me fait comprendre qu’il sait déjà ce que je vais dire. J’attends sa réponse qui tarde à venir.
« Alors ?!... »
« …Je suis une enveloppe vide. Vide de vie. Vide de sentiments. Vide de tout ce que j’étais. Mais j’ai besoin de vie et de sentiments pour écrire, alors je les prends là » tout en parlant, il pose sa main sur ma poitrine « Car c’est ici maintenant qu’est mon âme et c’est en toi que je puise la souffrance de la vie qui m’aide à écrire. »
Je ne dis rien. Je finis ma clope. L’écrase dans le cendrier. M’approche de lui et l’embrasse.
C'est Kellyan qui a eu la gentillesse de faire ce
magnifique dessin. Une véritable artiste. J'adore ses dessins. Son blog est dans mes favoris, allez y jeter un oeil. ça vaut le détour.
Les derniers mots de Max tournent dans ma tête et moi, je tourne en rond. C’est une manie, je marche en faisant des cercles et je réfléchis. Du moins, j’essaie. Les pensées tournoient et je
commence à avoir envie de vomir. Je stoppe net.
« Putain, mais c’est quoi ce délire ???…t’as rien d’un fantôme…je n’ai pas eu l’impression de baiser un ectoplasme…d’ailleurs, la baffe que tu m’as filé n’avait rien d’un souffle léger caressant ma joue. Et puis, pourquoi je suis incapable d’écrire une ligne ? De savoir ce que tu as dans la tête, hein ? Pourquoi est-ce que c’est toi qui a tous les avantages et moi rien ?»
« Le privilège de la mort »
Je secoue la tête. Résigné.
« Puisque j’en suis aux révélations Blondinet, je dois t’avouer que ton cul ne m’a jamais intéressé mais c’était tellement trippant de te voir flipper. Je n’ai pas pu résister »
J’ai l’impression de recevoir une autre baffe.
« Desserres les fesses. T’es pas mon genre. Bon, maintenant que la situation est claire, je vais rejoindre Jean-Phi mais j’aimerai revenir dormir ici.»
« Tu faisais comment la semaine dernière ?»
« Je restais chez les mecs que je baisais. Mais, je n’aime pas. Je préférerais dormir ici. »
« …y’a le canapé du salon… »
Il me sourit.
« Bonne soirée Blondinet »
Avant de partir, je le vois prendre mon portable. Appeler JP et se casser comme si de rien n’était.
***
Les mains dans les poches, je déambule. Je tourne en rond. Je m’interroge. Et soudainement, une seule chose s’impose à moi. Revenir à la réalité. A un raisonnement cartésien. Mon DM de physiques. Voilà ce dont j’ai besoin. Quelques instants plus tard, je suis plongé dans la résolution de différents problèmes. Tellement absorbé que j’oublie tout le reste.
La fatigue. Les yeux qui piquent. L’heure tardive.
4h du matin.
Demain j’ai deux cours de maths à donner. Il est temps que j’aille dormir. Avant de sombrer, je pense à Maximilian. Je me demande ce qu’il fait mais je n’ai pas le temps de m’interroger longtemps. Le sommeil m’emporte.
8h00. Le vibreur de mon portable. J’envoie la main pour l’arrêter. Je n’ai pas le temps de trainer. Je n’ai qu’une heure pour me doucher, déjeuner et me rendre chez mon premier élève. C’est ainsi que je gagne mon argent de poche. C’est avec cet argent que je voulais payer Maximilian. Il dort paisiblement. Je ne vois pas son visage. Caché par ses cheveux. En me levant, je peux distinguer de nouveaux feuillets sur le bureau. Il écrit toujours lorsqu’il rentre. Sans m’en rendre compte, j’approche mon visage de ses cheveux. Un parfum s’en dégage. Toujours le même. Il sent bon pour un mec qui s’est envoyé en l’air toute la nuit.
« ‘Cuir de Russie’, Blondinet »
Sa voix me fait sursauter.
« Hein ? P’tin, j’croyais que tu dormais ! »
« Je dormais avant que tes pensées viennent me réveiller. Mon parfum c’est ‘Cuir de Russie’ »
« Connais pas.»
« Il eut été étonnant que tu connaisses. C’était un parfumeur renommé. Nombres de gens célèbres trouvaient leur bonheur dans sa boutique. Il existe toujours. LT Piver. Tu te coucheras moins bête ce soir. »
« Ouais, mais si j'étais toi, j'éviterai de m'énerver. Tu as vu comment ça fini.»
Je ramasse mes affaires et déguerpis de la chambre à tout vitesse et surtout en évitant de penser.
Pour les curieuses...LP Piver existe. J'ai fait des recherches car il me fallait un parfumeur fin 19eme. Si vous voulez avoir une idée olfactive
du parfum de Maximilian, voilà le descriptif...cette composition s’inspire de l’odeur de cuir des bottes de cosaques, imperméabilisées avec de l’écorce de bouleau. La note cuir, envoûtante et
d’une irrésistible élégance, s’accompagne d’accents toniques et hespéridés - mandarine et bergamote- qui déposent sur la peau un voile de fraîcheur. Mais aussitôt des touches boisées et épicées
prennent le relais avant que le miel ne vienne distiller toute sa douceur. Cette fragrance complexe qui se livre discrètement, exhalant au fil des heures toute sa splendeur.
En ce qui me concerne, même sans parfum, Maximilian me fait fantasmer lol
« Nous survolons les Pyrénées »
La voix du commandant de bord commente le paysage.
Arnaud, les oreilles cachées sous son casque écoute de la musique. Moi, le nez collé au hublot, je regarde les kilomètres défilés.
Aéroport d’El Prat.
Je traine mes valises. Ma vie. Mon chagrin. Le tout avec le sourire. Dans deux semaines c’est Noël.
***
Je vis dans un grand appartement avec 9 autres colocataires dont Arnaud. Une vraie tour de Babel. On a déniché un sapin de Noël. Pendant que certains s’activent à le décorer, d’autres se sont mis aux fourneaux.
J’ai opté pour la décoration. Je ne suis pas vraiment un cordon bleu. Anaïs s’est toujours chargée de faire la cuisine.
Anaïs. La maison. Ça me manque. Les odeurs de pâtisserie et d’épices qui flottaient dans l’air. Moi qui piquais un gâteau à chaque passage dans la cuisine et ma grand-mère qui inlassablement disait « Eve ! » à chacun de mes larcins.
Greg que je bourrais de gâteaux en lui disant « Vas-y goûte ! Sont meilleurs que l’année dernière, non ? »
Papi, imperturbable au milieu du bordel ambiant. Tranquillement assis. Lisant le journal et buvant du café.
Le sapin que je décorais, n’oubliant pas de mettre toutes les horribles décorations que j’avais fait enfant, sachant que cela ferait hurler Anaïs avec un sempiternel « Encore ces horreurs ! » auquel papi répondrait « Mais enfin, c’est la petite qui a fait ça pour son père. Tu ne voudrais pas qu’on les jette ? Mets-les ma chérie, ton père les adore »
J’ai l’impression d’entendre leurs voix. Mais ce ne sont que les voix de mes colocs qui me ramènent dans cet appartement qui n’est pas le mien. A fêter Noël avec une bande d’inconnu.
Je laisse les guirlandes et pars dans notre chambre. Besoin de quelques minutes d’isolement.
« Hé, tout va bien ? »
Je fais ‘oui’ de la tête car je sais qu’aucun son ne sortira de ma bouche.
« Je comprends que cela puisse être difficile pour toi. Tu es tellement proche de ton père. C’est la première fois que vous êtes séparés. Mais…en règle générale, les enfants arrivent à résoudre leur Œdipe vers 5/6 ans. Tu en as 19. Il serait temps que tu coupes le cordon, tu ne crois pas ?...J’aime à croire que tu m’as suivi parce que tu m’aimes et non, parce qu’il se marie. Je veux bien être patient. Compréhensif. Mais je ne suis pas ton père. Je ne suis pas son remplaçant. Je suis ton mec. Si tu cherches un ‘papa’, ça va pas le faire. »
Il n’est pas rentré. Il est resté sur le pas de la porte. Sa tirade finie, il quitte la chambre.
Je ne pourrais jamais lui expliquer. Jamais lui parler. Ni à lui. Ni à un autre. Car avec toute la compréhension du monde, jamais personne ne pourra comprendre ni pardonner mon acharnement.
***
Minuit. Ouvertures des cadeaux.
Arnaud découvre des clubs de golf. Moi, un bracelet en forme de menotte. Je ne sais pas comment
prendre son geste. Finalement, je lui tends mon poignet et me laisse enchainer.
***
Je m’applique à l’éviter. Pas lui. La confrontation. Jour après jour. Jusqu’à mon départ. Dans une semaine. Il est venu plusieurs fois. J’ai vu sa voiture. Je suis repartie. Trainant de rues en pubs afin d’être sûre qu’il ne soit plus là à mon retour. Et je rentre tard, sous l’œil désapprobateur de ma grand-mère.
Ce soir, comme d’habitude, il est là. Comme cette boule qui se noue au creux de mon estomac. Comme ce manque si difficile à accepter. Et comme chaque soir je vais repartir lorsque sa voix retentie dans l’obscurité.
« Reste là ! »
J’entends ses pas venir dans ma direction. Sa main me saisir le bras, me retourner et me trainer à l’intérieur.
Je sais qu’il est en colère. Cela fait une semaine que je me fous de lui en l’évitant. Je me retrouve dans le hall d’entrée. Il est furieux.
« Tu comptais fuir encore longtemps ?! »
« Je n’ai rien à te dire »
« Je suis ton père. Je pense avoir droit à un minimum de respect »
« Ok. J’ai été occupé. Des devoirs par-dessus la tête. Mon départ à planifier. Le permis à passer. Ma nouvelle vie à organiser. Toi et … à ne pas déranger »
Il soupire.
« Plus que quelques jours et je disparais.»
« Comment peux-tu croire que je veuille me débarrasser de toi ? »
« C’est toi qui voulais que je prenne un appartement ! »
« Un appartement en ville, pas te tirer à l’étranger !!! »
Le ton monte. On s’énerve.
« Bon, tu as fini ? »
« Non ! »
Il se rapproche.
« Je n’ai jamais rien fait comme les autres. Un enfant à 17 ans. Coucher avec toi. Là, j’en ai marre. J’aspire à une certaine normalité. Ouais, une vie de vieux con rangé. Ça m’irait parfaitement. Alors tu peux faire cette tête aussi longtemps que cela te chante, c’est ainsi. Ton père va devenir un vieux con rangé et… épouser Dania »
« T’as fini ? »
« … »
« Quoi...? Tu pensais que j’allais me rouler par terre ? Pleurer ? Te supplier ? Hé bien, non. D’ailleurs, je trouve que tu as raison. A bientôt 40 ans, il est temps que tu deviennes un vieux con rangé. Ça ne pouvait pas durer de te faire sucer par mes amies entre deux audiences. Tu m’excuseras, mais j’ai du travail et encore quelques affaires à préparer. Embrasse ta future femme de ma part »
« Eve…ça ne pouvait plus durer. Rester avec toi c’était t’empêcher de vivre. De rencontrer un homme avec qui tu auras des enfants. Une vie normale quoi. »
« C’était la vie que j’avais choisi. Là, j’ai la vie que tu m’as imposée. »
« Je fais ça parce que je t’aime »
« Moins qu’elle apparemment »
Je n’attends pas sa réponse. J’en ai assez entendu. Je veux retrouver ma chambre. Son silence. Sa solitude.
***
D’un geste rageur, j’envoie mon mégot rejoindre celui de Medhi. Je suis gelé. Direction l’intérieur lorsque je me sens propulsé contre le mur que je viens de quitter. Maximilian.
« C’est lui ton bon coup ? »
Je le regarde surpris et passablement énervé.
« Quoi ?...non, mais…putain, tu lis dans mes pensées ou quoi ?! »
« …ou quoi… »
« Te fous pas de ma gueule ! »
« Alors, c’est ton coup de ce soir ? »
« T’es malade !! J’aime pas les mecs !»
Il me fixe. Souriant et énervant.
« Ce n’est pas ce qu’il m’avait semblé »
Je tente de me dégager mais sa force est telle que je reste épinglé au mur. Puis, il s’empare de ma main droite.
« Ce n’est toujours pas cicatrisé ? »
Il me désigne la petite entaille que je me suis fait à l’index avec cette maudite agrafe dans le manuscrit de ce maudit auteur.
« Ce n’est rien. Je vais survivre »
«Ça ne cicatrisera pas tant que j… »
« Ha, vous êtes là ! »
Jean-Phi. Il va ouvrir la bouche pour continuer lorsqu’il remarque la situation. Moi, plaqué contre le mur. Max collé contre moi, ma main à hauteur de sa bouche.
« Blondinet s’est blessé. Une vraie chochotte. J’allais lui faire un petit bisou sur son bobo »
Jean-Phi hésite entre rire ou ne pas rire. Moi, entre lui balancer un coup de genou dans les bijoux de famille, ou un coup de boule pour se payer ma gueule ouvertement. Et lui, dans son délire, dépose un bisou sur mon index.
« Allez, dedans blondinet »
Et avant que je n’ai fait un geste ou dit quoi que ce soit, je me retrouve à l’intérieur.
« Lâche-moi bordel !...tu vas me lâcher ?! »
Il s’écarte de moi. Enfin. Je réajuste mon t-shirt et mon pull. Je souffle. Je veux qu’il comprenne qu’il m’emmerde. Jean-Phi a fait demi-tour. Il est revenu vers nous. Et là, j’explose.
« Putain JP tu me casses les couilles !! Tiens, il est à toi. Façon, je rentre. Je suis fatigué. »
Je me dirige vers notre table afin de récupérer mon blouson.
« J’y vais. Si vous avez des ‘blemes avec votre DM, vous savez où me trouver. A+ »
Je pensais me tirer sans problème, c’était sans compter sur Maximilian.
« Tu vas où ? »
« J’rentre »
« J’rentre avec toi alors »
« Tu as envie de te faire défoncer ? Une fois ne t’a pas suffit ?»
Il devient livide.
« Attends-moi là. Tu n’as pas intérêt à te casser. Compris ? »
Je le défie du regard.
« Compris ?! »
« Mais tu n’as pas d’endroit où crécher ? »
« Attends-moi là »
Son ton n’est plus ni sarcastique, ni impérieux.
« Ok. C’est bon. Puis, faut que tu m’expliques certaines choses…style, comment tu fais pour savoir ce que je pense… »
Il me sourit. Ramasse ses affaires. Lance un ‘au revoir’ à la ronde et l’on se retrouve dehors.
***
Sur le trajet du retour, je chantonne. J’évite de réfléchir. Je ne veux pas qu’il lise dans mes pensées. Je tente de faire le vide. Je récite mes tables de multiplications. Mes formules de chimie. Tout ce qui me passe par la tête mais qui n’a aucun rapport avec le sexe. Moi. Ou lui.
Ma mère est dans le salon. Elle lit. Ce soir, elle ne travaille pas. Elle nous accueille avec le sourire. Agite un livret en direction de Maximilian. J’ai dû rater un épisode…il est vrai que ma mère lit plus que moi.
« Je l’ai trouvé ! »
« ‘Soir ‘man »
« Ce recueil de poèmes est fantastique. Il y a tellement de sensibilité…de…enfin, je ne trouve pas les mots pour décrire ce que je ressens »
« J’vais me laver… »
Maximilian est allé s’assoir à côté d’elle. Je me sens en trop. Exclus de leur relation. Jaloux. Cette jalousie qui s’insinue en moi. Que je découvre et que je n’aime pas. Ma mère relève la tête :
« Tu ne devais pas aller te laver ? »
Non mais, c’est qu’elle veut se débarrasser de moi. Elle me fait quoi, là ?...mon premier reflexe est de venir m’incruster sur le canapé mais le recueil de poésie me fait reculer. J’ai horreur de ça.
« Ouais, j’y vais. J’vous laisse »
Je pars à la salle de bain, en maugréant. Elle m’a chassé du salon afin de se retrouver seule avec Maximilian ! Incroyable !! Il a l’âge d’être son fils. Et moi, son fils, elle m’ignore. Me chasse. Me délaisse. Pour un inconnu !!
Je sors. Me sèche. Me frotte tellement fort que je deviens écarlate. Comme un con, je passe ma colère sur moi…Lamentable. Immature.
Je n’ose pas les rejoindre car je n’ai aucune envie de parler poésie. Je me replis dans ma chambre. D’un geste rageur, j’envoie toutes ses feuilles au sol. Je fais place nette sur mon bureau. Et je reste là. Immobile. Les avant-bras posés bien à plat devant moi. Je fixe le mur. Puis, je me penche et regarde les feuilles qui tapissent le sol. Un vrai bordel. Comme dans ma vie. Une irrésistible envie de les déchirer s’empare de moi. Envie d’en faire des confettis. De les détruire. De les…de rage je serre les poings.
« La colère est mauvaise conseillère »
Sa voix me fait sursauter mais je reste face au mur.
« Tes cheveux sont encore humides… »
J’ai envie de lui répondre que ceux de ma mère sont secs mais je me tais. Je l’entends quitter ma chambre, puis revenir. Une serviette éponge s’abat sur ma tête.
« Non…mais..Qu’est-ce qu… »
Et soudain, je me tais. Je ferme les yeux. Je laisse ses mains s’activer sur mon cuir chevelu. Je soupire. Pas de lassitude. De béatitude.
« Pourquoi j’ai envie de toi ? »
« Parce que J’AI envie de toi »
« Putain, c’est quoi cette réponse de merde ?! »
« Quelle façon de s’exprimer… ne pourrais- tu pas simplement dire – je ne comprends pas ton propos- »
« Hein ?! »
« Laisse tomber blondinet »
« Sans dec, ça veut dire quoi ton charabia ? »
Il me montre sa main droite. Son index.
« Voilà »
« Quoi ? Tu t’es coupé toi aussi ?»
Il saisit mon doigt, le porte à sa bouche. Je sens une succion, fronce les sourcils mais je ne dis rien. Quand il me libère, je saigne. Je vais parler lorsqu’il me montre son index, sa coupure. Il saigne.
« On est lié toi et moi »
Je le fixe. Incrédule.
« Lié…à quel point ?...jusqu’où ?...si je meurs… tu meurs ? »
Il éclate de rire.
« Ça ne risque pas. Je suis déjà mort. Permets-moi de me présenter…Maximilian Lombardi. Le maudit auteur de ce maudit manuscrit. »
***
Les présentations faites, Axel et Jean-Phi entament une conversation littéraire. Medhi s’est assis par terre, calé contre un mur. Il est occupé par un jeu sur sa psp. Je suis debout, à côté de lui. Après quelques minutes, je lui balance un léger coup de pied.
« Et ton DM de physiques ? »
Il lève les yeux. Me regarde. Replonge la tête dans son jeu. Découragé, je me laisse glisser le long du mur pour finir assis à côté de lui. Accaparé moi aussi par son personnage qui se bat contre une armée de mutant.
« Med…j’t’ai jamais vu avec une fille… »
« Mmm… »
«… ni avec un mec… »
« Mmm… »
« …t’es toujours qu’avec ton chien… »
Il arrête son jeu et plonge son regard dans le mien.
« À croire que je préfère la compagnie de mon chien… »
« … »
« Bon, ce DM de physiques, tu me l’expliques ? »
Pendant qu’il se larve sur mon pieu, je m’empare de mes affaires. Je lui balance une feuille et un stylo. Puis, je me larve à mon tour.
« Qu’est-ce que t’as pas compris ? »
« J’sais pas comment faire la démo »
Je me lance dans les explications, vite absorbé par ma tâche. Le matelas penche sur la droite. Jean-Phi. Puis, sur la gauche. Axel. Il en manque un. Il vient s’allonger devant nous. Majestueusement. Sensuellement. Jean-Phi le dévore littéralement du regard. Regard que ledit cousin, plonge dans le mien. Une lueur de défi irise ses prunelles.
« J’sais pas vous, mais je suis com-plé-te-ment déconcentré »
Jean-Phi et ses déclarations. Jean-Phi qui se retient de sauter sur Max.
« Et tu proposes quoi ? »
« On pourrait sortir. Rejoindre les autres au Mc Fly. Ça ne vous tente pas ?...après tout, on a 2 semaines pour faire le DM. »
On se regarde tous. Petite moue et hochement de tête. C’est bon, on lève le camp.
« Tu viens avec nous ? »
Je m’adresse à Max.
« Mais bien sûr qu’il vient ! N’est-ce pas que tu viens ? Tu ne vas pas laisser ton cousin tout seul, quand même ?!!! »
Je me lève sans répondre. Suivi des autres. Je jette un coup d’œil sur mon portable. Mel m’a laissé des messages. Je file dans un coin pour la rappeler et lui dire que dans une trentaine de minutes, on sera là-bas. On s’emmitoufle et on file rejoindre le reste de la bande. Jean-Phi est collé à Max. Axel semble ruminer je ne sais quoi. On ferme la marche avec Medhi. Silencieux. Avant d’entrer dans le pub, il me retient. Je le regarde surpris.
« Il faut que tu parles à Mel, que tu mettes les choses au clair. Et pour toi et pour elle, et pour lui. »
Il me montre Axel du menton. Me balance une tape dans le dos et rejoint les autres, comme si de rien n’était.
Je reste un moment immobile. Pensif. J’observe les visages qui dévorent Maximilian des yeux. D’envie. De jalousie. De haine. De désir. Filles. Garçons. Et moi. Qui l’ai eu. Sans envie. Sans désir. Dans la haine. Et ce sentiment qui m’envahit. De joie malsaine à l’idée que cet objet tant convoité est à moi. Pensée interrompue par le sourire de Mel. Je lui fais signe de me rejoindre. Parler, oui. Devant les autres, non.
Je lui prends la main, et l’attire à l’écart. Je ne sais pas comment amener le sujet. Je saisis une mèche de ses cheveux et je me lance.
« Mel…je ne veux pas te blesser, ni te faire souffrir…mais, en ce moment, je suis moins disponible. Rien à voir avec toi. C’est moi. Cette foutue école que je veux intégrer après les examens de fin d’année. Ces recommandations que je dois décrocher. Ça me bouffe. Je te délaisse. Tu ne mérites pas ça…je préfère te rendre ta liberté. C’est mieux. Plus honnête. »
Elle me sourit. Je suis soulagée qu’elle le prenne bien.
« Ça te dérange si…je me rapproche d’Axel ? »
« Non, c’est un mec bien. Tu as raison »
C’est si facile que je n’en reviens pas. Je m’attendais tout de même à une larme, un cri, un refus. Même pas. Elle est aussi heureuse que moi de mettre fin à notre relation. J’en suis presque blessé dans mon orgueil. Puis, je souris. Mel a rejoint sa place. Axel rapplique. Je me doutais que lui aussi allait me demander ‘ma permission’. Sont bien mes amis quand même. Ils veulent ménager ma susceptibilité. Après un bref et chaleureux échange avec Axel, on rejoint le groupe. Jean-Phi chuchote à l’oreille de Max. Mel a glissé sa main dans celle d’Axel. J’observe la salle à la recherche d’un coup. Un bon coup. Pas trop bavard. Pas trop collant. Un coup qui se laisse faire et parte le lendemain sans rien demander. Et mes yeux croisent les siens. Une invitation muette et dérangeante. Sauvé par Medhi qui me montre son paquet de clopes. Je tapote le mien dans la poche avant de mon jean. C’est le signal. On va dehors s’en griller une.
***
On se colle contre le mur. On se colle l’un contre l’autre. Il caille. Je fume tout en regardant mes pieds.
« Ton cousin…il aime les mecs ? »
« Hmmm... C’est vrai qu’ils ne se quittent pas avec Jean-Phi »
« Non, j’disais pas ça pour ça. »
Je braque mon regard sur lui, quelque peu étonné.
« … »
« C’est la façon dont il te mate »
Je pique un fard. J’espère que l’obscurité masquera la rougeur qui m’envahit.
« Rien de bien…familiale. Y’a quelque chose entre vous ? »
Je baisse un peu plus la tête.
Il me balance un coup d’épaule.
« Ahhh, laisse tomber. J’veux pas te gêner »
Il écrase son mégot sur le bitume.
« C’est pas mon cousin et j’ai baisé avec lui »
Il me regarde. Sourit et rentre.
Je reste dehors, gelé et consterné d’avoir avoué un truc pareil.
***
Motivation est mon mot d’ordre. Recommandation de mon prof est mon but. Mon prof…déjà que je bande mou, l’évoquer m’a complètement ramolli.
« J’crois qu’ça va pas l’faire »
Je le repousse gentiment.
« Non, mais c’est vrai quoi. Regarde, je n’arrive même pas à bander »
Son regard est accroché au mien. Aucune expression sur le visage.
« J’ai 200 euros. J’en aurai 50 de plus dans quelques jours. Ils sont à toi. Je préfère te payer pour écrire. Je te l’ai dit, les mecs ce n’est pas mon truc. Désolé »
« Tu t’es foutu de ma gueule alors ? »
Son ton est incroyablement calme. Quasi inexpressif comme son visage.
« Non mais, tu crois qu’on devient gay en claquant des doigts ??!!! Putain Max !!!!!!!!! …. »
« Il n’a jamais été dans tes intentions de coucher avec moi. D’honorer ta parole »
« J’appelle Jean-Phi, il te donnera des adresses qui regorgent de mecs honorables »
« Laisse tomber blondinet. Tu crois vraiment que je t’ai attendu pour baiser ?! Quoi ? Ne me dis pas que tu es vexé ? Déçu ?...et ce n’est pas 250 mais 500 euros pour écrire ton devoir »
« 500 euros ?? Mais j’pour… »
« Tu ne peux pas payer. Tu ne peux pas bander. Tu ne peux pas baiser. Tu ne peux pas faire ton devoir de litté. Y’a-t-il quelque chose que tu puisses ou saches faire ? »
Une telle rage gronde en moi que je suis incapable de répondre. Sans réfléchir, j’écrase ma bouche contre sa bouche. J’enfonce ma langue. Je l’embrasse violemment. Comme un mec peut le faire. Ma main s’est emparée de son sexe. Je serre fort. Trop fort. Il me mord la lèvre. Je croise son regard. Dur. Je sens mon cœur battre contre mes tempes. Pas de plaisir. Pas d’excitation. Simplement de rage. D’impuissance transformée en baise. Je ne me reconnais pas lorsqu’en le regardant je lui enfonce mes doigts dans la bouche. Je ne me reconnais pas lorsque ensuite je les enfonce dans son corps, remuant jusqu’à lui arracher un gémissement. Puis un autre. Et encore un autre. Je ne me reconnais pas lorsque je le pénètre comme une brute. Comme un connard. Quand je me déchaine en lui. Je ne me reconnais pas et je me vomis tout en me libérant en lui. Toujours mon cœur qui bat contre mes tempes. Je me retire.
«Ça te suffit ou t’en veux encore ? »
Pour toute réponse, sa main qui s’abat sur ma joue. Sa violence qui m’explose à la figure. La douleur qui me coupe le souffle mais qui n’est rien comparée à la sienne. Mon corps incontrôlable, qui se met à trembler. Maximilian, qui se lève, et disparait dans la salle de bain. A son retour, je suis toujours dans la même position. Je le regarde enfiler son pantalon, s’assoir et recommencer à écrire.
***
Je me suis endormi. C’est l’inconfort de la position qui me réveille. Je suis à moitié assis, à moitié couché. C’est comme si je n’avais pas bougé depuis hier soir. Hier soir et son cortège d’images qui défilent dans ma tête. Maximilian est parti. Des feuilles recouvrent mon bureau. D’autres, en boule, sont tombées à côté de la poubelle. Je m’approche. Sans toucher, j’observe l’écriture, les ratures et les annotations. Puis, je me baisse et commence à déplier les feuilles froissées qui jonchent le sol. J’attrape des mots, des bouts de phrases, des bouts de vie pour les mettre, finalement, à la poubelle.
Direction la douche puis la cuisine. Des voix. Des rires étouffés. Ma mère et Maximilian. Je ne me sens pas capable de les affronter. Lui, à cause de ce que je lui ai fait. Elle, parce qu’elle me connait par cœur. Retour dans ma chambre. Je récupère mon blouson, mon skate, mon portable et du fric. Sur le trajet du Skate Park, j’appelle Axel. On se donne rendez-vous là-bas. Arrêt obligatoire dans une boulangerie ou j’achète de quoi me nourrir.
Je retrouve ma bande de potes et mes habitudes. Après 3 heures d’éclate non –stop, on est tous claqués, les fesses posées sur nos skate qui nous servent de sièges.
« Hunt’ j’ai besoin d’explications pour le DM de physiques »
« Moi aussi. J’ai commencé mais j’crois que je me plante »
« Ok, les gars. Tous à la baraque pour un cours collectif »
Ce n’est qu’une fois arrivé que l’image de Maximilian revient me hanter. Avec le raffut que font mes potes, pas question de passer inaperçu. Ma mère qui lisait tranquillement sur le canapé, s’est levée pour nous accueillir. Tandis qu’elle les questionne, avec Axel, on fait la razzia sur les sodas et les cookies.
« Bon, ‘man, on va dans ma chambre pour bosser »
Je la vois lever la main comme pour me dire quelque lorsque j’entends Jean-Phi revenir au galop :
« Putain ! C’est qui ce canon qui est dans ta chambre ? C’est qui hein ???!!! »
Ma mère baisse le bras en souriant et retourne dans le salon.
J’attrape Jean-phi par le bras :
« Non, mais, tu vas te tenir tranquille. C’est … »
« Le cousin d’Hunter »
Axel a fini ma phrase.
« Ouais, c’est mon cousin »
« Putain, c’est une bombeeeeeeeeee »
« J’croyais que t’avais trouvé un mec ?! »
« Ha, ouais…c’est de l’histoire ancienne »
« Ancienne ? Mais c’était hier ! »
« C’est ce que je dis, de l’histoire ancienne »
« Si tu… »
Je ne peux pas terminer ma phrase, il s’est rué dans ma chambre, suivi des autres qui veulent voir la tronche du cousin.
C’est impressionnant le nombre de jeunes qui trainent le soir dans cet endroit. J’entends les rires, les chutes, les rires moqueurs. Axel.
« Hunter !! Par ici !...jt’ai laissé des tonnes de messages sur ton portable ! Tu foutais quoi ? »
« Besoin d’oxygène. Le devoir de litté’ me rend dingue. J’angoisse à mort…Mon portable, jl’ai mis en mode silencieux pour la biblio. J’ai oublié de le réactiver. »
« Hé, mec ! Ce n’est qu’un devoir ! Maintenant que tu es là, on va s’éclater !!»
« …Jean-Phi est là ? »
« Nan, il a un nouveau copain. Ils doivent roucouler dans un coin »
« Merde ! »
« ?»
« Je l’aurai bien casé avec…mon cousin. Il est chez moi. Il est homo. Il m’aide en litté. »
« Ha, je vois…il t’aide et tu l’aides … »
« Ouais, c’est à peu près ça »
« C’est beau la famille » et il éclate de rire.
« Allez viens, on va s’envoler ce soir !!! »
S’envoler, si c’était vrai…
***
22h30. Couvre-feu pour la plupart d’entre nous. C’est à reculons que je rentre chez moi. Je le retrouve, assis à mon bureau. Absorbé par l’écriture. Il a ôté sa veste. Ses cheveux noirs tombent dans son dos. Ils contrastent sur la blancheur de sa chemise. Ses longues jambes gainées dans un pantalon noir sont étirées devant lui.
« Aéré ? »
« Oui…je vais prendre une douche… »
Il s’est retourné. Son regard de braise me fixe. Un léger sourire remonte la commissure de ses lèvres. Un prédateur. Quand je pense que ma mère m’a appelé Hunter…quelle ironie…je suis devenu une proie. Avant qu’il ne se lève ou ne parle, je file à la salle de bain. Je m’enferme. Je resterai bien enfermé ici toute la nuit, mais je ne pense pas qu’il resterait de l’autre côté sans réagir. Je regagne ma chambre. Il écrit toujours. Je m’avance vers lui. Simplement vêtu d’un boxer. Alors que je m’apprête à lire, il replie toutes les feuilles et avant que je réagisse, il est debout, face à moi.
« Je voudrais lire »
« Quand ça sera fini »
« Trop facile…en imaginant que tu me racontes ton week-end à Disneyland, j’fais quoi moi, après ?! Je veux lire et maintenant ! »
Il me donne une feuille.
« Putain, c’est quoi ça ? »
« La suite »
« Non, cette écriture de merde ?!! Je n’arrive même pas à lire !!! Tu l’as fait exprès ?! »
Toujours ce sourire.
« Primo, j’écris. Deuxio, je te le dicterai. Ça te va ? »
« Lis ce que tu as écrit…comme preuve de ta bonne foi et que je puisse me rendre compte de ton travail »
« Et toi, quelle preuve de bonne foi me donnes-tu ? »
« Ben, j’suis là »
« Moi aussi »
Je sais très bien ce qu’il veut. Autant en finir tout de suite. Je m’approche de lui et je pose mes lèvres sur ses lèvres tout en me motivant mentalement « ce n’est pas un mec »… ma langue glisse dans sa bouche… « Ce n’est pas un mec »…il bande déjà ?!!... « Ce n’est pas un mec »…putain, elles foutent quoi ses mains sur mon cul ?... « Ce n’est pas un mec »…mais il me tripote…
« Je suis un mec »
Il me regarde amusé. Je sens mon visage virer au rouge.
« J’ai parlé ?... »
« Tu penses trop fort. Tes pensées me parasitent. »
« … »
« Je voudrais prendre une douche »
« Par ici.»
Je l’accompagne à la salle de bain. Lui donne gant et serviette. File à toute allure dans ma chambre. Les feuilles sur mon bureau. La suite de ce foutu roman. Putain de deal de merde !! Pendant qu’il est dans la salle de bain, direction le salon. Je me jette sur le meuble contenant les bouteilles d’alcool. Vodka. Je débouche et j’avale. Sans respirer. Jusqu’à m’étouffer. Jusqu’à tousser. Jusqu’à recracher le liquide qui me bouffe l’intérieur. Je reprends ma respiration. Je pose la bouteille. M’essuie la bouche. Me relève et regagne ma chambre.
C’est nu que je le vois réapparaitre. Je tourne au rouge écarlate. Je ne suis pas prude, mais il y a des limites.
« Je vais te filer un boxer »
Il s’approche.
« Je ne vais pas en avoir besoin tout de suite… »
Sa main a emprisonné la mienne et il m’entraine avec lui sur le lit.
« Dois-je me munir de ma cravate ? »
En d’autres circonstances, j’aurai ri, mais là, je n’ai plus d’humour. Plus du tout d’autant que ses mains sont parties explorer mon corps, mes fesses en particulier. Je n’ai pas le droit de le repousser. Il a commencé à remplir sa part du marché. Il a écrit. A mon tour.
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